Une course qui restera gravée à jamais dans ma mémoire tant par l’événement traumatisant qui nous a tous marqués que par la difficulté mentale et physique imposée par les éléments et le parcours… J’en fais le récit par respect pour ceux qui me suivent et me soutiennent mais l’essentiel n’est pas là cette fois-ci.
La journée avait commencé dans le plus grand des calmes avant que la tempête ne se lève. La plus impressionnante start list pro à laquelle j’ai pu prendre part jusqu’à présent, une course comme ultime objectif, voire comme objectif ultime, de la saison pour nous tous, une finale européenne en quelque sorte.
Départ à 40 pros hommes (pas de mass start, dommage pour un nageur pas encore assez rapide comme moi) pour 2 km de natation avec sortie à l’australienne devant le Forte Village Resort, ça nage trop fort pour moi dès le début. Le courant et les vagues finiront par m’esseuler. Mais tout ça n’est que du détail. En effet, lors de la fin de la seconde boucle, je me retrouve subitement face à un participant amateur inanimé, aussitôt je donne l’alerte pour qu’on lui vienne en aide et un jet-ski vient alors à notre rencontre, il comprend immédiatement que la situation est grave et se charge de faire le nécessaire pour tenter de le sauver. Complètement décomposé, je termine la natation tant bien que mal et file vers mon vélo de manière automatique. Je passerai tout le reste de la course à penser à ce pauvre homme et à espérer qu’il ait la vie sauve. Les sensations sur la première heure de vélo sont totalement absentes, j’ai anormalement mal dans tous mes muscles et la tristesse me donne l’envie d’abandonner à chaque instant. Mais je continue, toujours par automatisme mais pas seulement… Le vent est d’une violence à laquelle je n’ai jamais eu affaire, avec des rafales imprévisibles qui ont failli me mettre au tapis plus d’une fois, notamment dans les descentes, et certains y sont allés. Malgré tout, je reprends les concurrents un à un face au vent. 4ème temps vélo en 2h20 devant des grands noms du triathlon mondial. Bon départ sur le semi-marathon à 17 km/h puis le manque de fraîcheur (4 Half-Ironmans en 4 semaines en octobre) plafonnera l’allure pour boucler cette dernière épreuve en 1h18 à 16 km/h de moyenne.
19ème en 4h14 au milieu de tous ces champions. Le chrono est nettement meilleur que l’an dernier (15 min de mieux) dans des conditions bien plus défavorables à tous niveaux. Je crois que c’est le Half Ironman le plus dur que j’ai couru physiquement et mentalement. Sur la performance en elle-même, je suis globalement content de ce que j’ai produit avec les moyens du jour.
Comme tout le monde, j’ai appris après la course ce que je redoutais tant : le concurrent noyé est finalement décédé. Loin de toute polémique comme j’ai pu en voir en réaction à certains messages sur le web ou de suppositions sur la manière dont arrivent ces événements tragiques, je souhaiterais simplement que l’on s’interroge sur nos comportements de triathlètes, européens en particulier. Comment se fait-il que beaucoup d’entre nous abordent la partie natation avec la boule au ventre et un stress démesuré ? Décharger toute sa testostérone, tabasser ses semblables sur les premières secondes d’un triathlon pour ensuite être à l’arrêt en vélo et marcher à pied, est-ce homo sapiens sapiens ? Est-il possible d’avoir un peu plus de respect et de considération pour les autres comme cela peut s’observer ailleurs dans le monde ?
Heureusement, ces accidents sont rares mais ils pourraient être encore plus rares en adoptant des comportements humains bienveillants. Le triathlon, en particulier la longue distance, est un sport relativement dangereux que ce soit dans l’eau, en vélo et même à pied avec des risques autant environnementaux que liés au triathlète en lui-même, c’est probablement ce qui mène certains magazines à classer ce sport dans les sports extrêmes.
Mes pensées vont à la famille et aux proches de notre camarade d’aventure, cette photo leur est dédiée, j’aurais tellement voulu qu’il s’en sorte. J’apporte aussi mon soutien à la CHALLENGE FAMILY, à l’organisation et spécialement à Andrea Mentasti et Federica Zanda qui ont une belle énergie et travaillent pour nous offrir la plus belle course de la fin de saison. Merci à vous !