L’AVENTURE DE L’ÉQUILIBRE SPORTIF

Lorsqu’il est question de sport, il s’opère assez automatiquement une catégorisation de l’individu et de la discipline, un phénomène qui n’offrirait pas d’autre alternative que de rentrer dans une case et d’y rester pétrifié. J’en ai fait l’expérience ces dernières années, moi le premier de la classe, puis le taupin, puis le masterisé et remasterisé (c’était un bon album ;-)) et enfin le dit « profession intellectuelle supérieure » (on aime bien les termes pompeux en France, et encore vous n’avez pas vu les titres de mes diplômes…). Dorénavant, pour l’immense majorité des gens, j’appartiens à la case « sportif » avec toute la représentation qu’ils ont en tête d’un sportif, soit il y a une sorte de bug qui rendrait impossible l’intellectualisation et le sport. Un fonctionnement binaire, plus confortable mentalement que d’apprécier la réalité : les nuances.

Ainsi, la littérature sportive manque régulièrement de perspective. Cependant, j’ai récemment lu un livre paru cette année qui s’appuie sur la richesse qu’offre la pratique physique, un bouquin « à la croisée des chemins entre le roman philosophique et le manuel technique ». Vaste programme.

J’avais ce livre sur mon bureau depuis des mois, comme si j’attendais que la vie m’indique le moment optimal pour le lire, pour en saisir toute l’essence et mieux m’en nourrir. Ce moment est finalement venu fin novembre lors de la conjonction de deux événements. D’une part, cela faisait quelques jours qu’avec Baptiste, mon préparateur mental (oui j’en ai recruté un cet automne ou bien c’est lui qui m’a recruté…), nous étions dans une phase de fixation d’objectifs, tâche qui s’est révélée être bien ardue pour moi. D’autre part, une aventure où je me suis vu approcher pour la seconde fois de ma vie la limite de non-retour (après une chute en vélo par-dessus un pont dans un ravin en Corse en 2014), surtout qu’une semaine après la championne suisse Andrea Huser mourrait dans les mêmes circonstances.

Les premières pages du roman plongent le lecteur dans une famille jeune, un couple trentenaire et son jeune enfant, à travers un style facile, simple et direct, agréable à lire. Cette mise en situation, et le récit en général tout au long du roman, est souvent éloignée de ma propre situation mais je me suis facilement plongé dans la peau des personnages (peut-être grâce à ce style d’écriture fluide justement) pour qui l’on développe beaucoup d’empathie et de sympathie.

Les trois passages qualifiés de techniques sont abordables, même pour les non-initiés, dans la mesure où ils s’inscrivent dans un récit très pédagogue offrant des savoirs fondamentaux pour certains et des rappels essentiels bénéfiques pour les autres. Ces quelques pages traitent les 3 disciplines du triathlon.

Le roman est truffé d’intentions positives mais qui peuvent parfois être un obstacle à la remise en question. Par exemple, lorsque le personnage principal Sébastien s’oriente vers un entraîneur diplômé comme s’il n’y avait pas meilleure alternative au modèle franco-français et à des croyances limitantes.  De même, l’auteur fait l’éloge du triathlon (ici pas seulement en tant que sport mais en tant que système) et du fonctionnement associatif. J’aurais tout aussi bien pu en faire un pamphlet, en particulier concernant les personnes qui y exercent des jeux de pouvoir. Mais c’est ainsi et l’auteur a voulu récompenser ce qui fonctionne et ce qui est vertueux dans le système. Le reste a été mis de côté. C’est un parti pris que je comprends et qui, par le pouvoir de la pensée positive, peut emmener à améliorer les choses là où ça ne va pas…ou bien à créer des désillusions si ça ne change pas pour le meilleur. Dans tous les cas, ces intentions positives placent quand même le lecteur dans une situation de réflexion par rapport à son propre vécu et engage à repenser son rapport aux autres et aux interactions que l’on souhaiterait avoir.

Les 80 dernières pages du livre en sont le tournant. L’auteur aborde le sport et la vie de cette famille avec plus de profondeur et de gravité. Ce basculement fait réfléchir individuellement sur le sens de ce qui nous entoure et c’est ce que j’attendais de cette lecture. Il est fait quelques pieds de nez amusants par rapport à la conventionnalité, la normalité, aux schémas classiques et aux formes de méchancetés que cela peut engendrer. Et j’en sais quelque chose… S’en dégage un véritable plaidoyer pour la tolérance et, mieux, l’acceptation. L’acceptation que les autres soient différents et surtout l’acceptation que l’on soit soi-même différent parmi les autres. L’acceptation de chemins différents aussi pour que ceux-ci ne soient pas des chemins de croix. Ce rejet de la différence engendré par la peur (encore et toujours elle qui détruit nos vies, d’un virus à la mode à nos relations sociales) érigé en fondement en lieu et place de l’acceptation.

Logiquement, une critique est faite sur la sacralisation d’une hiérarchisation de la souffrance ordinaire (le fameux « il y a pire »). Le parallèle qui est opéré avec le sport est particulièrement pertinent d’ailleurs : ce qui paraît simple pour les uns semble insurmontable pour les autres ; le même résultat peut alors être considéré comme un exploit par les uns ou comme banal par les autres.

Je vais retenir de cette belle découverte beaucoup d’éléments utiles à ma propre pratique et surtout à mon chemin de vie. En effet, les parallèles entre le sport et la vie quotidienne sont percutants, le sport apparaissant inéluctablement comme miroir de la société. L’auteur a su mettre à contribution expérience, savoir et compétences au service d’une prise de recul ouvrant le champ des possibles afin de trouver sa juste place et non pas juste une place.

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