C’est une question qu’on me pose régulièrement, avec l’idée sous-jacente de faire davantage de compétitions compte tenu de mon niveau sportif. Je vais essayer ici d’apporter une réponse claire, mais surtout dans la seconde moitié de donner matière à réflexion et peut-être que certains points résonneront en vous.
J’ai commencé le triathlon en 2015, à la base pour uniquement faire l’Ironman de Nice de la même année. Me prenant au jeu, j’ai ajouté des compétitions de préparation au printemps. Finalement, je ne me suis pas arrêté à Nice et, pris de passion, j’ai continué en multipliant les compétitions et les formats durant mes premières années de pratique : Ironman, half, olympique, sprint, running route, trail, cyclisme, nage en eau libre, duathlon, aquathlon, etc. J’ai fait 20 à 25 compétitions par an durant ces années. C’était de bons moments, de belles performances et j’étais très volontaire pour les faire. Cependant, le coût financier global était très élevé pour moi et non soutenable entre, notamment, les déplacements, les hébergements, l’inscription aux courses (je remercie une nouvelle fois au passage les organisations qui m’ont apporté leurs soutiens). À cela s’est ajouté un coût énergétique puisque toute la logistique et le stress qu’implique un weekend de course (sans compter parfois l’affûtage et la récupération) vidait sur le long terme mon influx nerveux.
En 2019, j’ai heurté le mur du burnout pour plusieurs raisons dont cette fatigue générée par les compétitions. En 2020 est arrivée une opération psychologique mondiale et son lot d’actions toutes aussi grotesques qu’infectes. Ayant fait mes choix en toute conscience, j’ai décidé de ne pas jouer le jeu de cette mascarade qui dépassait largement tous mes seuils de tolérance de la saloperie (enfermement, destruction de la convivialité et du contact avec les autres, touillette dans le pif, muselière, etc). Donc pas de compétition jusqu’à pouvoir en faire dans des conditions correctes de dignité à l’été 2022 durant lequel j’avais prévu 5-6 courses. Cependant, j’avais eu la bonne idée de me déchirer le mollet en mai et de ne pas être correctement soigné. La reprise s’est donc faite début juillet sur le triathlon half d’Embrun en trottinant le semi avec ce mollet encore blessé puis j’ai pris l’été pour me soigner et j’ai pu participer au Ventouxman en septembre avec une condition physique plus représentative de ce que je pouvais faire en 2022.
En 2023, je souhaite participer à davantage de compétitions que l’an dernier mais pas trop non plus toujours pour des raisons d’influx nerveux et économiques. La seule à laquelle je suis inscrit en ce début de printemps est une nouvelle fois l’half d’Embrun mais d’autres courses viendront se greffer en temps et en heure en fonction de ma forme, de mes contraintes et des opportunités.
Mais en fait pourquoi faire de la compétition ? Les compétitions sont-elles le nec plus ultra, l’alpha et l’oméga pour le sportif (a fortiori de haut niveau) ?
Tout le monde ne prend pas part à une compétition dans les mêmes conditions, avec la même préparation (ou la plus adaptée à soi), avec le même affûtage, le même matériel, la même approche psychologique, etc. Il est donc faux d’affirmer que la compétition serait un révélateur plus fiable qu’un autre sur le niveau d’un sportif. La pseudo vérité du jour J n’a pas plus de pertinence que celle de semaines et de mois d’entraînement. Chacun a pu le remarquer à son niveau et ce serait se mentir à soi-même que d’affirmer le contraire en s’enfermant dans ce dogme de la compétition.
Pour ma part, ce que j’apprécie avant tout, et cela depuis toujours, c’est l’entraînement et le chemin. J’adore progresser, trouver de nouveaux champs d’exploration, exceller dans ce que je maîtrise déjà, ressentir la forme ascendante, les chronos qui s’améliorent et les sensations d’exaltation. J’aime m’entraîner plus ou moins tous les jours, plusieurs fois par jour, progresser sur le long terme, apprécier ce processus de découverte, d’expérimentation et de transmission via mes coachings. Les places et les chronos en compétition ne sont pas une finalité même s’il peut y avoir lors d’une compétition de la déception ou à l’opposé de la joie.
Le sport est à mon sens un prétexte. Et se confronter à l’autre en compétition est accessoire. De ma petite expérience mais néanmoins assez riche depuis 8 ans, l’état d’esprit en compétition (au moins en triathlon et en France) s’est beaucoup dégradé. Et des anciens assez lucides le confirment. Alors c’est l’histoire de l’œuf ou la poule : est-ce que cela vient de facteurs externes qui ont gangrené la compétition ou est-ce cette idée de compétition comme étant le but ultime qui a fini par lui attirer certaines mentalités ? Je ne sais pas et je n’ai pas assez de recul, peut-être un peu des deux… Il semble que peu de monde partage ma vision de la compétition en tant que spectacle sportif à ciel ouvert avec l’esprit que j’ai pu connaître en tant que spectateur fin des années 2000 ou celui de la belle époque du triathlon des années 1990.
Ça ne me dérange pas si on me qualifie de « sports entertainer » (divertisseur sportif que je suis y compris en compétition : j’aime générer des émotions et des réactions chez les autres et jouer avec eux), de champion de l’entraînement ou encore de champion de Strava. Au contraire c’est plus en phase avec qui je suis et ce que je fais. C’est même une allégorie de la vie pour moi : c’est tous les jours qu’il faut être présent et se donner, pas spécialement quelques jours par an. J’oppose les deux intentionnellement de manière provocatrice pour amener à philosopher sur les notions d’objectifs. Depuis toujours et partout, je suis un mec assez constant, pas vraiment fulgurant sur un jour particulier mais au niveau plus ou moins tous les jours. Ainsi, j’espère que des triathlons à étapes verront le jour, sur une semaine par exemple. Je plaisante à peine puisqu’ils me conviennent mieux comme ceux que j’avais enchainés à l’Alpe d’Huez ou aux Gorges de l’Ardèche.
Pour terminer, dorénavant je suis plus attentif sur les courses auxquelles je participe qui doivent me faire vraiment vibrer et susciter beaucoup d’enthousiasme : paysages merveilleux, grandes boucles en vélo et à pied (pas ces tours de hamsters à parcourir 10 fois), conditions logistiques assez simples (les mauvais souvenirs de course dans des métropoles où tout était une galère et dégradait totalement mon expérience de course : se garer, se loger, dormir dans le bruit…), bonne météo, organisation qui ne traite pas les participants comme du bétail, etc. Je ne suis de toute façon pas obligé de participer à des courses qui ne rempliraient pas ces critères, je l’ai déjà fait et j’en ai tiré des leçons. On pourra me rétorquer que si un gros chèque m’est présenté alors j’accepterai de faire n’importe quelle compétition. Mais, d’une part, tout ne s’achète pas avec moi et, d’autre part, plutôt que payer des sportifs à faire n’importe quoi, on peut inverser le raisonnement en arrêtant d’abord de faire n’importe quoi.
Attention au refus d’obstacle Romain, Je comprends ta volonté de garder ta liberté dans ta pratique sportive mais il me semble que de tout temps, les émotions qui ont été transmises par les sportifs l’ont été lors d’évènements prévus de longue date. Dès lors, le sportif se doit d’être capable d’atteindre son pic de performance le jour J. Chaque année, on ne retient que le nom du champion du monde en athlé, pas le meilleur performeur de l’année qui aura fait sa perf sur un meeting quelconque. Même les épreuves individuelles (record de l’heure par exemple) sont planifiées longtemps à l’avance. La frustration de ne pas être au top le jour J fait parti du jeu et l’incertitude que cela amène décuple les émotions que pourra ressentir le spectateur. En revanche, proposer de nouveaux formats à étapes en triathlon, demi-fond ou trail pour faire également briller des profils plus réguliers comme le tien serait effectivement une bonne idée.
Je te souhaite une bonne saison sportive.
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C’est une façon de voir les choses qu’on m’a déjà présentée. A mon sens, elle est assez dogmatique. Peut-être que tu ne ressens d’émotions (ou les plus grandes émotions que tu puisses ressentir) que lors de « grands » événements. Pour ma part et pour des tas de gens, nous pouvons vibrer bien plus fort en tant que spectateur par exemple de n’importe quelle course que nous pourrons vivre aux côtés d’un fils, d’un père, d’un ami ou même d’inconnus comme c’était le cas pendant mes années étudiantes en tant que spectateur de l’Ironman de Nice qui était un événement majeur uniquement parce que je le percevais comme tel. C’est comme avec un livre : c’est l’imaginaire qui compte. Quant à retenir mon nom, ça m’importe peu…
Merci pour ton point de vue et au plaisir.
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