FESTIVAL DES CANNES – CANNES INTERNATIONAL TRIATHLON 2019

Un bon millier de participants, le double de jambes, Cannes accueillait le 21 avril le premier gros triathlon de la saison sur le vieux continent. Une course où j’ai fait mes débuts il y a 4 ans puis à nouveau un an plus tard cette fois en catégorie pro. Que des bons souvenirs.

Cette année, j’avais décidé d’y entamer la saison après 6 mois sans compétition aucune et un bien drôle d’hiver à base de chamboulements dans l’entraînement et le reste. Les progrès ont été manifestes à l’entraînement, que ce soit sur des efforts courts ou longs. L’idée sur cette première course était de poursuivre dans la trilogie définie cet hiver : test, observation, vérité. Un protocole scientifique en quelque sorte. Un plan qui sera plutôt respecté au final.

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Comme à chaque fois, c’est un partage d’expérience en souhaitant que vous puissiez parfois vous y retrouver et que ce soit profitable dans votre pratique. Depuis 5 jours, j’analyse ma course et la vérité est que je n’ai toujours pas toutes les clés. Je vous laisse donc la parole en fin d’article pour exprimer vos idées. Manu peut rentrer chez lui avec son grand débat.

Cet hiver, j’ai pu mettre pas mal de choses à plat, regarder face au miroir mes forces et surtout mes faiblesses, et développer une meilleure honnêteté intellectuelle. Une tâche qui n’en est qu’à son début, qui fait mal, qui déstabilise, mais qui est nécessaire pour se connaître et atteindre son plein potentiel, dans le sport comme ailleurs.

Ainsi par exemple, contrairement au passé, je n’étudie plus les listes de départ. Avant, j’y trouvais un intérêt (contre-productif d’ailleurs) en faisant la course avant la course. Quelque chose qui avait avoir avec l’attraction qui nous pousse à ralentir lorsque l’on passe à côté d’un accident. Par la force des choses, j’avais quand même aperçu quelques noms via les communications de l’organisation, mais je n’y ai pas attaché plus d’émotions que ça.

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Bref, je me retrouve au départ juste derrière Tim Don et Cameron Wurf, deux des têtes d’affiche de la course et la crème de l’Ironman mondial. Avec le courant et les vagues sous l’effet du fort vent d’est, la natation se retrouve raccourcie à 1750/1800 mètres au lieu de 2000. Avec un mass start et nos bonnets blancs, nous (pros) savions que certains amateurs (tous les bonnets rouges) allaient nous croquer après seulement 10 mètres de nage. Ca n’a pas loupé. Je ne comprendrai décidément jamais ce qui pousse des nageurs à prendre des départs de folie, à nager sur les autres pour ensuite se faire à nouveau dépasser quelques centaines de mètres plus loin. Le coup de pistolet du départ ne vous dispense pas de laisser votre cerveau allumé. Pire encore ceux qui te tirent les jambes, là on est dans la malveillance, dans la volonté d’écraser les autres pour réussir. Heureusement, l’humanité a survécu et évolué grâce à la coopération et non grâce à ce genre de mentalités. D’une part, la loi du plus fort, la loi de la jungle n’est qu’une mythologie, d’autre part cette croyance rend la société toxique pour nous et pour la nature.

Une fois passée la première moitié de grosse bagarre où nager le crawl s’est avéré compliqué même si cela s’est fait sans émotions particulières (bon point !), les contacts se sont un peu calmés sur la seconde boucle du parcours et j’ai enfin pu mettre en pratique ce que j’ai appris cet hiver : sentir ma nage. Quel plaisir de ressentir la puissance de la poussée dans l’eau, de s’amuser à accélérer et doubler, d’adapter sa technique, de suivre d’autres nageurs. Et tout cela sans se fatiguer. J’imagine qu’avec plus de pratique et d’expérience, c’est cela que l’on appelle la maîtrise. Je sors satisfait de l’eau aux alentours de la 60ème place en ayant nagé entre 1’25 » et 1’30″/100m « sans donner un coup de bras ». Je ne sais pas dans quelle mesure cela aurait pu aller plus vite sans toute cette bagarre parce que d’un autre côté il y a aussi un effet d’aspiration avec les autres nageurs.

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Une transition de tortue plus tard, me voilà propulsé à 50 km/h sur la Croisette pour une grosse centaine de bornes en vélo et 1900m de dénivelé, toujours sous la houlette d’Eole. Un parcours qui mérite d’être reconnu tant la gestion de l’effort sur ce profil accidenté et les trajectoires en descente peuvent faire gagner de précieuses minutes. Ce que je n’ai pas fait.

Je retiens beaucoup trop de drafting, y compris dans le TOP 30, certains arbitres plus préoccupés par une montée sur le vélo à T1 10 cm avant la ligne ou bien par un virage avec visibilité coupé parce que le concurrent dépassé ne roule pas à droite, que par ce qui est à la fois le CANCER et le DOPAGE du triathlon : le drafting. C’est ce qui a le plus d’incidence sur les résultats, la régularité et l’équité de la course au final. Je maintiens qu’il faut absolument mieux former les arbitres au discernement à sanctionner ce comportement. Ca tombe bien, une consultation nationale de la FFTRI est en cours.

Au niveau de la performance, le sentiment d’avoir un limitateur de vitesse sur mon vélo, confirmé par mes données. 144 bpm de moyenne sur 3 heures, j’avais tenu la même intensité à l’Embrun sur le double de temps. Mais le 9ème chrono vélo, c’est pas si pire. Les 10 derniers kilomètres vent de face m’ont donné un aperçu de l’IRONMAN Lanzarote dans un mois. Et c’est sur cette portion que j’ai gagné le plus de temps. A moi les coups de bordure !

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Les 16 km de course à pied se sont déroulés sur le même schéma. Impossible de mettre de l’intensité. 150 bpm pour une heure, c’est trop peu. 4 boucles avec des relances et toujours ce vent du diable. Je préférais les aller-retours en intégralité sur la Croisette de 2015 avec plus de public. A noter que les chronos sont moins bons que lors des éditions précédentes, probablement à cause du parcours vélo plus difficile et très venté. Rassurant. Cela a aussi sûrement été une erreur que de trop regarder la montre : les allures n’étaient pas représentatives ce jour-là et je n’aurais pas du m’attendre à courir à 17 km/h face au vent. Néanmoins j’étais inspiré à chaque tour de croiser et courir plus ou moins à la même allure (sur la première moitié du moins) que Tim Don, Cameron Wurf ou encore Sam Laidlow. Les yeux qui brillent toujours, pourvu que ça dure !

Bilan

1.  Je n’ai pas su mettre l’intensité nécessaire à ce genre de courses relativement courtes. L’intensité aura été plus ou moins celle d’un Ironman. C’est le point décevant parce que même si j’ai pu lancer plusieurs fois pendant la course mon trio test/observation/vérité, l’intérêt aurait été encore plus grand à pleine intensité. Là, il me reste des questions auxquelles je n’ai pas encore de réponse.

2. Corollaire : dès la fin de la course, je n’étais ni fatigué, ni courbaturé et idem le lendemain, frais et dispo. C’est agréable mais ce n’est pas ce qui est recherché pour être au meilleur de soi puisqu’il faut tout donner sur quelques heures le jour J.

3. En fait, c’est quand même la première fois que j’ai autant cette sensation d’être bridé physiquement. Mais peut-être que ces limites étaient psychologiques ? Bizarre. Certains diront que c’était un « jour sans », mais d’abord ce serait quand même bête que ce jour tombe pile le jour de la course, et ensuite je n’ai jamais su ce que signifiait un jour sans ; on dirait quelque chose qu’il faut admettre sans plus d’explications.

4. Je balaye la piste de l’accumulation de fatigue spécifique à l’entraînement ou de charges trop lourdes sur les dernières semaines. Tous mes entrainements sont sur Strava et même si je me colle parfois des séances très exigeantes d’un point de vue structurel par exemple, il n’en reste pas moins que depuis le 1er janvier, mes volumes d’entraînement moyens hebdomadaires sont plutôt faibles : 12 km en natation, 200 km en vélo et 35 km à pied. Bien plus petits que l’hiver dernier.

5. En revanche, le rapport performance/volume d’entraînement est plutôt bon, mieux optimisé que par le passé, signe que mes méthodes s’améliorent. D’autre part, l’absence totale de douleur, de muscles en tension, de tendons sensibles ou d’articulations affaiblies, confirme l’efficacité de mon entraînement hivernal dans l’idée de devenir plus solide. Et cela uniquement en nageant, roulant et courant.

6. En comparaison avec la première course de l’an dernier (Challenge Riccione en Italie), c’est mieux avec un écart sur les premiers qui se réduit cette année avec les top athlètes mondiaux. Et par rapport au reste du plateau, certains ont raté leur course, certains ont réussi leur course, certains ont drafté, je me situe ni parmi ceux qui ont raté, ni parmi ceux qui ont réussi. Une course de Normand en somme.

7. Depuis ma première participation en 2015, je remarque une amélioration de l’organisation qui a su visiblement prendre en compte les retours critiques. Une organisation mieux huilée depuis le retrait des dossards la veille jusqu’au retrait des vélos après la course. Un trafic routier (course sur routes en partie ouvertes) bien mieux géré qu’à l’époque (je me souviens avoir été dans des bouchons en 2016 à Grasse). Et à titre personnel, j’ai trouvé bien plus pratique l’absence de sacs de transition et les affaires de course à déposer directement à côté de son vélo le matin avant le départ.

8. Enfin, comment ne pas féliciter tous les volontaires qui m’étonnent toujours d’énergie et de positivité lorsqu’ils encouragent et mettent l’ambiance en plus de « bénévoler ». Il y a quelque chose de l’ordre de la communion dans ces moments-là, la nature c’est notre stade à nous.

3 commentaires sur « FESTIVAL DES CANNES – CANNES INTERNATIONAL TRIATHLON 2019 »

  1. Salut Romain, je te lis ce soir un peu par hazard. J’avais vu ton résultat sur Cannes, un peu surpris que tu n’aies pas davantage briller en vélo, alors que tu es en la matière très costaud. La course est néanmoins une belle entrée en matière cette saison surtout au regard de la liste des athlètes engagés et de ceux qui du coup te suivent… Pour ce qui est de l’intensité, je ne vais pas te donner de leçon je n’en serais jamais à ton niveau, mais juste un constat/ressenti que j’observe sur ma pratique: si je ne rentre pas de suite dans la course avec de l’intensité (monter les puls dès la nat, ou des le début de chaque discipline) alors c’est bien difficile de le faire en cours de route. A mon avis, le travail d’endurance et les heures de pratique (et l’âge aussi 🙂 ) « bride » la machine et endort le corps qui du coup, bascule dans un mode Econome si on ne le choque pas ! L’entrainement doit permettre de retrouver cette agressivité, sur le mode polarisé par exemple, mais clairement c’est un peu une volonté de se faire mal d’entrée (mentale) qui permet avant tout d’arriver a cette finalité. Sortir de la zone de confort et prendre le risque du surrégime pour ne pas avoir la frustration au final? clairement pour un athlète amateur qui veut faire mieux que l’épreuve d’avant, ou le pro qui veut lutter à l’avant: kif kif! on a rien sans rien ! Je jetterai un œil sur Lanzarote 🙂 !!!

    Yann

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    1. Bonsoir Yann, c’est exactement le genre de réaction que j’attendais ! En fait, ton idée rejoint par un autre chemin une hypothèse que j’avais en tête. Cet hiver, j’ai testé, en allant à l’échec, un panel d’entraînements bien plus large et dense (pour faire l’analogie avec un spectre de lumière par exemple) que durant ces deux dernières années. Et c’est justement cet hiver que j’ai fait de l’intensité comme jamais à me mettre dans des états dans lesquels je refusais d’être jusqu’alors. Alors même si je suis clairement plus fort à l’entraînement maintenant, j’ai commis une demi-erreur en partant sur la course avec le même état d’esprit que cet hiver. A trop vouloir maîtriser les paramètres d’une expérience, on la bride, on ne laisse aucune place à l’inattendu et on s’interdit d’aller plus loin. C’est donc probablement une explication sur l’intensité relativement molle de ma course. Et je te rejoins ensuite : en ne rentrant pas dans la course directement avec l’intensité ad hoc, difficile d’élever son niveau ensuite. Il me semble qu’il y a même une théorie là-dessus : l’homme devant instinctivement conserver le maximum de réserve d’énergie de survie (le sport n’étant pas considéré comme de la survie), le corps essaie toujours de minimiser les pertes donc est faignant de nature pour tout ce qui n’est pas de la survie. Et donc à nouveau, cela fait sens quand tu dis qu’il faut se donner directement d’entrée de jeu pour faire basculer son corps et son esprit dans un mode de quasi survie et contrer cette tendance naturelle à la conservation d’énergie.
      Merci Yann, j’y repenserai à Lanzarote !

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  2. Salut Romain, je viens de lire ton article et je retiens surtout le manque d’intensité …à mon petit niveau j’ai ressenti la même chose, surtout par rapport à l’année dernière. Mon analyse reste toute simple, pour moi cela vient uniquement de la température de l’eau. (15° annoncé par les arbitres, 13° en réalité !). On y est tous plus ou moins sensible mais pour ma part, j’avais 2 bâtons à la place des jambes à la sortie de l’eau et impossible d’avancer sur le vélo sur l’ensemble du parcours. Beaucoup de calories dépensées dans l’eau, à notre insu !!
    Fausse impression de vitesse au départ (avec le vent dans le dos) mais très vite calmé dans la montée du Grand Duc !!

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